Les conditions pour l'exercice du droit de grève dans les services publics

Pour exercer le droit de grève dans un service public identifié à l’article 111.0.16 du Code du travailCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre ou dans une entreprise assimilée à un service public, certaines conditions doivent être respectées.

Toutes les associations accréditées au sein des services publics doivent fournir un avis de grève.

Quant aux associations accréditées assujetties au maintien des services essentiels par une décision du Tribunal administratif du travail, elles doivent fournir un avis de grève et assumer certaines responsabilités relativement aux services à fournir. Elles doivent notamment conclure une entente avec l’employeur ou, à défaut, rédiger une liste de services essentiels, puis soumettre l’entente ou la liste au Tribunal. Celui-ci l’évaluera afin de déterminer si les services prévus sont suffisants pour éviter de mettre en danger la santé ou la sécurité de la population.

Qu’elle soit visée ou non par une décision du Tribunal administratif du travail ordonnant le maintien des services essentiels, une association accréditée au sein d’un service public (article 111.0.16 du Code du travailCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre) doit rédiger un avis de grève. Il est en de même pour une association accréditée d’une entreprise assimilée à un service public et visée par une décision du Tribunal.

L’avis de grève doit indiquer la date et l’heure du début de la grève ainsi que sa durée. Il est également possible d’utiliser le formulaire Avis de grèveCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre. Les informations fournies ont une incidence sur l’évaluation des services essentiels à maintenir.

Transmission d’un avis de grève

Dans le cas d'un service public, ou d’une entreprise assimilée, visé par une décision du Tribunal ordonnant le maintien des services essentiels, l’avis de grève doit être transmis au ministre du Travail, à l’employeur et au Tribunal administratif du travail (article 111.0.23 du Code du travail).

La transmission au Tribunal peut s'effectuer de l'une des façons suivantes :

Dans le cas d'un service public non visé par une décision du Tribunal, l’avis doit être transmis au ministre du Travail et à l’employeur.

L’association accréditée doit faire parvenir l’avis de grève au moins 7 jours ouvrables francs avant le déclenchement de la grève. Ce délai ne comprend pas les jours suivants : 

  • Le jour de la réception de l’avis de grève;
  • Le jour prévu pour le début de la grève;
  • Les jours non juridiques (samedi, dimanche et jours fériés).

Par exemple, si la réception de l’avis est le mercredi 2 septembre, l’association ne pourra exercer son droit de grève qu’à partir du mardi 15 septembre (exemple de calcul du délai (PDF, 148 ko) Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre).

Nouvel avis de grève

Si une association accréditée souhaite exercer son droit de grève à un autre moment que celui indiqué dans l’avis transmis, elle doit – le jour suivant celui qui était initialement prévu pour le déclenchement de la grève (article 111.0.23 du Code du travail) – faire parvenir un nouvel avis à l’employeur et au ministre du Travail. Si les parties sont visées par une décision ordonnant le maintien des services essentiels, le nouvel avis de grève doit aussi être transmis au Tribunal administratif du travail.

Par exemple, si l’association prévoyait dans son premier avis de faire la grève à compter du 15 septembre, elle ne pourrait transmettre un nouvel avis de grève qu’à partir du 16 septembre. La grève ne pourrait alors débuter que 7 jours ouvrables francs suivant la réception de cet avis.

Avis de non-recours à la grève annoncée ou avis de fin de grève

Un avis écrit doit être transmis au ministre du Travail, à l’employeur et au Tribunal administratif du travail si une association accréditée visée par une décision du Tribunal décide de :

  • ne pas recourir à la grève au moment initialement prévu;
  • mettre fin à la grève enclenchée. Elle doit alors indiquer le moment prévu pour le retour au travail.

Selon la situation, il est possible d’utiliser l’un ou l’autre des modèles de formulaires suivants :

Le syndicat et l’employeur visés par une décision du Tribunal administratif du travail ordonnant le maintien des services essentiels doivent négocier avec diligence et bonne foi afin d’établir les services essentiels à maintenir en cas de grève.

Lorsqu’une entente est conclue, elle doit être transmise au Tribunal.

À défaut d’une entente, l’association accréditée doit transmettre à l’employeur et au Tribunal la liste des services qu’elle estime essentiels à maintenir.

Rôle du Tribunal

Si les parties n’ont pas conclu d'entente sur les services essentiels, un conciliateur du Tribunal intervient pour les aider à trouver des solutions dans le respect de leurs droits respectifs. Il revient au Tribunal de juger de la suffisance des services prévus dans une entente ou une liste, de façon à ce que la santé ou la sécurité du public ne soient pas mises en danger.

Rédaction d’une entente ou d’une liste

Lors de la rédaction d’une entente ou d’une liste de services essentiels, les parties doivent identifier :

  • les services à maintenir pour éviter de mettre en danger la santé ou la sécurité de la population;
  • les salariés qualifiés qui fournissent habituellement ces services;
  • la manière dont les services devront être fournis;
  • le moment où les services devront être fournis.

Une entente ou une liste doit être claire, fiable, exacte et explicite afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Une liste est déclarée nulle si elle prévoit un nombre de salariés supérieur au nombre normalement requis dans un des services visés (article 111.0.22 du Code du travailCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre).

Les parties doivent aussi prévoir les modalités d’application qui assureront les services prévus. Il est important que les parties s’assurent d’avoir la même compréhension du texte. Les services prévus dans une entente ou dans une liste doivent donc être clairement définis. La description des services doit être précise, de même que l’identification des salariés qui effectuent normalement le travail. Les titres de fonctions prévus dans la convention collective doivent être utilisés. Par exemple, pour le maintien du travail d’opération d’une usine de filtration pour la production d’eau potable, il faut :

  • indiquer que le service sera fourni par un « opérateur d’usine, classe 16 » (si telle est la fonction prévue dans la convention collective) plutôt que par un « opérateur »;
  • préciser le moment et la façon de fournir le service, par exemple, indiquer si le service doit être fourni au besoin ou selon l’horaire normal de travail.

Une personne ne connaissant pas l’entreprise doit être en mesure de bien saisir l’entente.

Voici un exemple :

PRODUCTION D'EAU POTABLE

Maintien du travail d’opération normalement effectué

  • Un (1) opérateur d’usine de filtration, classe 16, par quart de travail, selon la pratique habituelle et l’horaire normal de travail, à tour de rôle, et ce, en tout temps.

Entretien et réparation de la machinerie et de l’équipement

  • Un (1) opérateur d’usine, classe 16, par quart de jour, selon la pratique habituelle et l’horaire normal de travail.

Au besoin, le personnel qualifié suivant :

  • Un (1) mécanicien de machinerie fixe, classe 14;
  • Un (1) électricien;
  • Un (1) tuyauteur.

Prévoir les modalités d’application

Fournir des salariés en services essentiels, parfois dans un très court délai, nécessite un bon travail de coordination. Une entente de services essentiels sans modalités d’application peut s’avérer inefficace pour ne pas mettre en danger la santé ou la sécurité de la population.

Le syndicat devrait nommer une personne responsable d’assurer la présence des salariés qui doivent fournir les services essentiels. Il est également recommandé que l’employeur désigne un interlocuteur patronal avec lequel le syndicat pourra communiquer au besoin.

En outre, il est utile de prévoir un mode de communication rapide et efficace (téléphone cellulaire, téléavertisseur, etc.). Dans certains cas, selon la taille du service public, il peut aussi s’avérer pertinent de mettre en place un comité de coordination, composé de représentants syndicaux et patronaux, qui verra à régler les problèmes rapidement afin de s’assurer que les services essentiels sont rendus.

Prévoir une clause d’urgence pour les situations exceptionnelles

Le Tribunal recommande de prévoir une clause d’urgence pour les situations exceptionnelles. Cette clause peut ressembler à ce qui suit :

« Lorsque se présente une situation exceptionnelle et urgente non prévue à la présente entente, et qui met en danger la santé ou la sécurité de la population, le syndicat s’engage à fournir, à la réquisition de l’employeur et au besoin, le personnel nécessaire pour faire face à cette situation. »

Le Tribunal rappelle que l’expression « au besoin », souvent utilisée dans les ententes et les listes, signifie que chaque fois que l’employeur réclame des services qui y sont prévus, le syndicat a l’obligation de fournir rapidement ces services.

Dépôt d’une entente ou d’une liste

Tout comme l’avis de grève, l’entente doit parvenir au Tribunal au moins 7 jours ouvrables francs avant la date prévue pour le déclenchement de la grève (article 111.0.23 du Code du travailCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre). À défaut d’une entente, l’association accréditée doit transmettre à l’employeur et au Tribunal une liste des services qu’elle estime essentiels à maintenir, et ce, dans le même délai (articles 111.0.18 et 111.0.23 du Code). Ce délai est nécessaire pour que le Tribunal puisse évaluer la suffisance des services essentiels prévus dans l’entente ou dans la liste.

Modification à une entente ou à une liste

Nul ne peut déroger aux dispositions d’une entente ou d’une liste. Pour y apporter des modifications, il faut s’adresser au Tribunal administratif du travail qui est le seul habilité à juger de la suffisance des services prévus pour ne pas mettre en danger la santé ou la sécurité de la population. Si une entente entre les parties intervient après le dépôt de la liste, l’entente prévaut (articles 111.0.18 et 111.0.22 du Code du travail).

Dès la réception d’une entente ou d’une liste, le Tribunal administratif du travail évalue les services prévus afin de déterminer s’ils sont suffisants pour éviter de mettre en danger la santé ou la sécurité de la population (article 111.0.19 du Code du travailCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre). Les parties convoquées à une séance par le Tribunal sont tenues d'y assister.

Quelques facteurs peuvent influencer l’évaluation de la suffisance des services essentiels à maintenir lors d’une grève :

  • Le secteur d’activité du service public concerné;
  • La durée de la grève annoncée;
  • La saison au cours de laquelle s’exerce la grève;
  • La topographie d’une municipalité.

Entente ou liste de services essentiels jugée insuffisante

Si le Tribunal juge les services essentiels insuffisants, il peut faire des recommandations aux parties. Il peut également ordonner à l'association accréditée de reporter l'exercice de son droit de grève jusqu'à ce qu'elle lui ait fait part des suites qu'elle entend donner à ses recommandations (article 111.0.19 du Code du travail).

Enfin, s'il estime que les services essentiels prévus sont insuffisants et que cela compromet la santé ou la sécurité de la population, le Tribunal peut suspendre l’exercice du droit de grève (article 111.0.24 du Code du travail). Cette suspension prend effet à la date de la notification de la décision aux parties et se poursuit jusqu’à ce que le Tribunal soit convaincu que les services essentiels seront maintenus de façon suffisante durant la grève.

Le Tribunal peut également suspendre l’exercice du droit de grève s’il constate, lors d’une grève en cours, que les services essentiels effectivement rendus sont insuffisants et que cela met en danger la santé ou la sécurité de la population.

La violation de cette ordonnance peut entraîner une condamnation pour outrage au tribunal (article 111.20 du Code du travailCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre).

Les parties syndicales et patronales assujetties au maintien des services essentiels par une décision du Tribunal administratif du travail doivent assumer, lors d’une grève, leur responsabilité respective et les obligations qui en découlent.

Responsabilité de la partie syndicale

Le syndicat a la responsabilité de fournir les services essentiels prévus à l’entente ou à la liste. Par conséquent, il doit s’acquitter des obligations suivantes :

  • Désigner, parmi ses membres, les salariés qualifiés pour exécuter les fonctions prévues dans l’entente ou dans la liste de services essentiels, soit les salariés qui effectuaient normalement le travail avant le début de la grève;
  • Prendre les mesures requises pour que ses membres respectent leurs obligations en matière de services essentiels;
  • S’assurer de leur disponibilité afin qu’ils fournissent les services essentiels, c’est-à-dire prendre les moyens nécessaires pour que les salariés requis se rendent au travail, et ce, dès la réception d’une demande de l’employeur requérant des travaux énumérés dans l’entente ou dans la liste;
  • Fournir la main-d’œuvre conformément aux instructions de l’employeur dans l'exécution des tâches à accomplir. Les salariés qui exécutent du travail en services essentiels doivent le faire selon les pratiques usuelles et à la cadence normale, sans ralentissement.

Responsabilité de la partie patronale

Il revient à l’employeur de fournir l’équipement dont ont besoin les salariés affectés aux services essentiels pour effectuer leurs tâches.

Il importe de préciser que les dispositions du Code du travailCe lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre portant sur les services essentiels ne privent pas l’employeur de son droit de gérer et d’administrer ses affaires pendant la grève. C’est à lui qu’il revient de décider comment doivent être exécutés les travaux, à condition que les services soient identifiés dans l’entente ou dans la liste. Ainsi, le droit de gérance est exercé dans le cadre des services essentiels, mais il ne doit pas être utilisé pour la réalisation de travaux différents de ceux énumérés dans l’entente ou dans la liste approuvée par le Tribunal administratif du travail.